MANIFESTE du RIRE avec un grand R et de l’HUMOUR avec un grand U - Sylvain DonG
Rire est facile, faire rire est une autre affaire.
Le rire est une réaction physiologique provoquée par certains stimulus, qui déclenchent dans l’organisme un processus complexe, entre activation de zones du système nerveux et sécrétion de substances biochimiques, menant à une euphorie bienfaitrice plus ou moins exprimée par des secousses musculaires et un rictus accompagné de sons saccadés.
Parmi les substances sécrétées, on trouve notamment les endorphines, des neuropeptides opioïdes endogènes également produits lors de l’activité physique, de l’excitation et de l’orgasme. De par sa composition chimique voisine de la morphine, ses vertus analgésiques, anti-stress et son effet d’accoutumance, l’endorphine est la seule drogue légale que nous pouvons cultiver sans contrainte.
Comme le disait Alphonse Allais : « le rire est à l’homme ce que la bière est à la pression ». Et comme je le dis plus modestement moi-même : personne n’est jamais littéralement MDR. Le rire est donc également la seule drogue que nous pouvons consommer sans modération, et sans Sam pour nous reconduire après une soirée bien arrosée de rigolade. (Pardon, Sam…)
Mais le rire n’est qu’une fonction-réflexe dont tout le monde est doté, du plus intelligent au plus idiot, du plus empathique au plus cruel des individus. Tout dépend des stimulus qui font rire ou pas les uns et les autres.
L’humour quant à lui, qui vise à provoquer volontairement le rire, s’il est une qualité ou un « sens » dont chaque individu est plus ou moins pourvu (certains beaucoup moins que d’autres, certes), est aussi un art et un ensemble de métiers : humoriste, clown, dessinateur de presse ou de bande-dessinée, comédien ou comédienne, réalisateur ou réalisatrice, metteur ou metteuse en scène, journaliste satirique, chroniqueur ou chroniqueuse, chanteur ou chanteuse…
L’humour répond à une définition générale assez vague, mais que chacune et chacun, par décence et respect envers les maîtres du genre, ne devrait pas nécessairement se sentir libre d’interpréter à sa sauce, et relève comme toute autre discipline artistique de certaines exigences, de procédés, de techniques et de savoir-faire, ainsi que de responsabilités, puisqu’il a un impact sur les autres et que contrairement au rire que rien ne peut contraindre, il peut tomber sous le coup des lois.
Mais l’humour est encore bien plus qu’un art de divertissement, c’est un bienfait salvateur (comme Adamo, le chanteur), une méthode thérapeutique (voir « l’humour médecin » initié par le Dr Patch Adams), une aide à la survie, même, dans le cas de l’humour dit « de résistance » (voir « Rire et résistance : l’humour sous le IIIe Reich » de Rudolph Herzog ou « Une opérette à Ravensbrück » de Germaine Tillon). Il est aussi une arme politique, un moyen de dénoncer les dérives de la société ou du pouvoir. Ce qui ne lui plaît pas forcément, au pouvoir. « Un peuple heureux n’a pas besoin d’humour », disait Joseph Staline auprès de qui on devait souvent se taper des barres.
Certes, tout le monde peut prétendre au sens de l’humour, mais tout comme l’enfant de 6 ans qui gribouille sa mère sous les traits d’une patate avec les tresses d’Obélix tendues horizontalement de chaque côté du crâne ne peut guère prétendre au statut de dessinateur ou d’artiste peintre, tout le monde ne peut pas, sauf pourvu d’une bien outrecuidante prétention, prétendre à celui d’humoriste sans en connaître les procédés, la pratique et les contours.
Fut-il noir, absurde, potache, raffiné, sous la ceinture, ironique, satirique, parodique ou sarcastique, l’humour avec un grand U, tel que je le conçois et tel que le pratiquent et l’on pratiqué la plupart des maîtres du genre, ne se trompe pas de cible : il vise à faire rire de l’incongruité, du ridicule, de l’idiotie, de l’arrogance, de l’indignité, de la différence, du malheur, de la mort, de la domination, de l’oppression et des bourreaux plus que de celles et ceux qui en font les frais.
L’humour avec un grand U ne consiste pas seulement à faire rire pour le plaisir de rire. Il ne consiste pas non plus à rire et à faire rire de la souffrance, du malheur, de l’origine, de la culture, de la couleur, du statut, du sexe, de l’orientation sexuelle ou de la différence des autres.
L’humour avec un grand U, fut-il noir ou sarcastique, consiste au contraire à tourner la souffrance ou le malheur en dérision pour les conjurer, s’en soulager. Et l’humour avec un grand U, fut-il satirique ou moqueur, à ridiculiser les travers et les comportements néfastes pour les dénoncer, et s’en soulager aussi.
Peut-on faire rire de tout ?
Ma réponse est un parti-pris : on peut faire rire de tout, mais ça dépend avec quel état d’esprit ou quelle intention on le fait. Parce que l’humour est une sauce, un accompagnement, un ingrédient parmi d’autres qui n'empêche pas que le mets puisse être dégueulasse quand la viande est daubée.
Ainsi :
Une blague sur les musulmans ou sur les personnes originaires d’Afrique noire racontée par Smaïn, Jamel Debbouze, Thomas Ngijol ou quiconque ne serait pas »islamophobe ni raciste est susceptible de faire rire tout le monde. La même blague racontée par Jean-Marie Le Pen fera probablement moins l’unanimité.
Une blague sur les juifs racontée par Popeck, Patrick Timsit, Élie Semoun ou quiconque ne serait pas spécialement antisémite, est susceptible de faire rire tout le monde. La même blague racontée par Dieudonné ou Alain Soral ne fera certainement pas concensus.
Une blague sur les femmes racontée par Muriel Robin, Florence Foresti ou quiconque n’est pas particulièrement misogyne, est susceptible de faire rire tout le monde. La même blague racontée par Gérard Depardieu ou Émile Louis (dans un autre registre) ne recevra sûrement pas l’approbation générale.
Etc.
Merci d'avoir lu jusqu'au bout, et merci de bien vouloir partager ma niouzeletteur Endorphine à vos contacts et sur vos réseaux 😉
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